L'impossible "coming-out" du MoDem !

Publié le par Hervé Pugi

Plus que les résultats eux-mêmes, la grande information du premier tour de ces municipales est le rôle d’arbitre que le MoDem tiendra dimanche prochain dans bien des villes de notre pays. Cependant, le parti de François Bayrou s’est lancé dans une stratégie dont nul ne peut annoncer les retombées à long terme. Alors que la défunte UDF ne manquait jamais de rappeler que son positionnement était « centre-droit », le nouveau-né a confirmé qu’il avait des tendances inavouables qui le conduisent à sérieusement zyeuter, voire flirter, avec le Parti socialiste.

Alors à quand le « coming-out » du MoDem ? Tout au long de la soirée électorale, qui a vu Marielle de Sarnez courir de plateau en plateau de télévision, on a senti chez la candidate à la mairie de Paris un certain blocage à évoquer ce grave tabou : l’alliance avec le PS. Il faut dire que l’ex directrice de campagne de François Bayrou à la dernière présidentielle n’a pas franchement été aidée par son président qui, fidèle à lui-même, n’a pas voulu bousculer son électorat en engageant son parti dans une direction plutôt qu’une autre.

Le MoDem, qui prétend aller au-delà des clivages politiques traditionnels droite-gauche, donne l’impression bien maladroite de vouloir jouer la carte de l’opportunisme. A Paris, malgré les appels du pied de Françoise de Panafieu, Marielle de Sarnez ne se voit soutenir que Bertrand Delanoë, qui jusque-là ne lui demande rien. Pendant ce temps, à Marseille, Jean-Luc Benhamias, ancien élu des Verts, serait éventuellement prêt à soutenir le maire sortant Jean-Claude Gaudin, numéro deux de… l’UMP ! 
Se vendre au plus offrant ?
En Alsace, autre paradoxe, la candidate MoDem, Chantal Cutajar, ex UMP, n’hésite pas à avouer son attirance pour le candidat… socialiste en ballottage favorable, Roland Ries. Pour ce qui est de Toulouse, Jean-Luc Forget ne se prononce pas encore. Entre Moudenc (UMP) et Cohen (PS) son cœur balance… Et pour couronner le tout, François Bayrou lui-même se trouve en situation délicate à Pau, où il n’est arrivé qu’en deuxième position derrière la candidate socialiste, Martine Lignières-Cassou. Difficile dans ses conditions de lancer un appel au rassemblement entre le PS et le MoDem comme Ségolène Royal, décidément fort attirée par le Béarnais, a pu le faire.

Des anciens élus de gauche prêts à s’allier avec l’UMP, des dissidents de la majorité qui votent socialistes, des centristes purs et durs qui lorgnent à gauche quand d’autres ne savent pas quoi en penser, autant dire que la nauséabonde semaine de marchandage politique qui s’ouvre à nous va donner bien des migraines.

En se vendant au plus offrant (ou au plus convaincant si l’on veut être moins cynique), le MoDem peut tirer son épingle du jeu et s’offrir une belle vitrine après seulement huit mois d’existence. Mais c’est à long terme que les futurs élus du parti de François Bayrou joueront leur crédibilité. Intérêts locaux et enjeux nationaux sont souvent liés, il faudra alors aux membres du MoDem pouvoir tenir une ligne en accord avec leurs idéaux et les alliances, parfois contre-natures, passés avec des partis aux idées radicalement opposées. Autant dire que le risque de se perdre est grand.

A force de vouloir être l’antithèse de tout, le MoDem prend le risque de ne représenter RIEN. Son électorat indécis, qui s’était divisé à quasi part égale entre droite et gauche lors du second tour de la présidentielle, pourrait en fin de compte expliquer la stratégie de non alignement du Mouvement Démocratique.

Difficile dans ces conditions d’exister par soi-même…

Publié dans Politique Française

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L
Oui, comme cela a été dit, c'est difficile de se faire sa place en tant que parti centrale quand les choix qu'on vous propose sont toujours bipolaires...<br /> Mine de rien, on n'échappe pas à la bipolarisation...<br /> Et, même si on avait un système plus proportionnel, la bipolarisation réapparaîtrait dans les chambres. A partir du moment ou le MODEM n'est pas majoritaire, il a besoin de partenaires... Et, comme à côté de lui, il a deux partis hypertrophiés (dont la démocratie interne marche moyennement - les problèmes de l'UMP et du PS étant différents), effectivement ceux-ci sont plutôt à la recherche de vassaux... François Hollande répéte toujours qu'il est prêt à faire des alliances avec le MODEM du moment qu'ils sont sur la même base programmatique que le Parti Socialiste, et sur le même positionnement d'Union de la gauche et d'opposition à Nicolas Sarkozy... C'est vraiment une recherche de vassal plutôt que de partenaire...<br /> <br /> <br /> Benhamias a choisi Guerini finalement, et ce qu'il faut dire et croire, je pense, c'est que ce qui fait ce choix, c'est le moratoire sur l'incinérateur...
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L
Le MoDem n'a pas de ligne politique, et bien qu'il s'en défende, il a vocation à aller se vendre au plus offrant. <br /> Il veut sortir du carcan de la bipolarité, mais il en est victime (impossible d'être majoritaire avec un positionnement centriste) tout en encourageant et en consolidant ce système (ce positionnement lui donne la liberté de s'allier librement avec l'un ou l'autre des deux camps, ce qui ne fait qu'aller dans le sens de la bipolarité !!). <br /> <br /> Bayrou construit petit à petit un mouvement sans idées et sans vision, autour de sa seule personne, afin de montrer la crédibilité de sa démarche en vue de 2012. Mais je suis désormais convaincu qu'il ne sera pas plus élu en 2012 ou 2017 qu'en 2007. Les français ne sont plus dupes de ce positionnement instable.
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L
Bonsoir,<br /> suite à votre demande, j'ai lu votre article.<br /> Je suis à peu prés d'accord avec vous sur votre analyse de la stratégie du MoDem. Mais j'ajouterais quand même quelque chose au crédit de Sarnez et Bayrou : c'est vrai qu'il y a de l'opportunisme dans leur refus de se positionner clairement. Mais en même temps, puisque nous parlons franchement, l'opportunisme en temps d'élections, est dans l'ordre des choses. Leur seul tord est de ne pas le dire clairement. D'autant que les militants MoDem sont prêts à l'entendre : conquérir le pouvoir national par les postes locaux, à coups d'alliances, ce n'est pas honteux, c'est stratégique. Ca devient honteux quand on ment et qu'on ne veut pas le dire avec honnêteté.<br /> Pour avoir fréquenté un peu plus d'un an le siège du MoDem, je peux vous dire que leur stratégie ne me dérange pas. Ce n'est pas pire que de siphonner le FN en tenant un discours de droite dure sur l'immigration tout en engageant prenant des alibis de gauches. Ce qui me dérange, c'est la motivation de ces gens : ils n'agissent pas pour leur vision de la France, ils agissent pour leur destin personnel. Il y a une sorte de malhonnêteté originelle dans le discours de Bayrou à ses militants, une sorte de manipulation égoïste alors que la plupart d'entre eux sont formidable.C'est parce que je ne voulais pas mentir à mes militants du 7e que je suis partie du MoDem.
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H
L'ennui avec Delanoë, c'est qu'aujourd'hui plus que jamais, conforté par son avance, il est en position de force.
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L
Le problème, c'est que le MoDem veut des partenariats, et les gros partis des vassaux.<br /> C'est la raison pour laquelle on ne pourra pas s'entendre avec Delanoë et les Socialistes, au moins à Paris.
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